Mame Bousso Samb Diack

A propos de Mame Bousso Samb Diack

 Je suis  présidente du Forum des éducatrices africaines (FAWE-Sénégal), une ONG qui centre ses interventions sur l’éducation. Ancienne députée,  je fais    partie du Conseil Sénégalais des Femmes (COSEF).

 

“Je suis originaire de Kébémer, dans la région de Louga, si l’on tient compte des limitations territoriales, mais plus proche du Cayor culturellement. À l’âge de cinq ans, je suis partie vivre avec ma grande sœur, mariée à mon oncle, dans la capitale. Ce dernier m’a inscrite à l’école française quand j’ai eu l’âge requis. Il faut retenir que j’appartenais à une famille de huit enfants, dont six filles. Mon père, qui était un grand talibé mouride, ne voulait pas que ses enfants aillent à l’école française. Ma sœur cadette et moi sommes les seules de la fratrie à y être allées. Je considère comme une chance d’avoir fait mes études primaires à Dakar et d’avoir réussi le concours d’entrée à l’école normale des filles de Rufisque, déplacée plus tard à Thiès. Cette école, créée pour éduquer les filles, avait pour ambition d’en faire des pionnières de la promotion de la femme, portées par le sentiment d’une mission à accomplir”. 

“ Nous vivions à l’internat et recevions un pécule. Avec l’autorisation de nos parents, nous pouvions sortir deux ou trois fois dans le mois. Parfois même, nous préférions rester dans les conditions d’instruction. J’y ai continué mes études secondaires jusqu’au bac, puis à l’université. À la fin des études universitaires, j’ai passé mon certificat pédagogique et j’ai été affectée au lycée Kennedy”.

 Ma  mission était d’aider les générations suivantes à accéder à l’école. “ J’ai aimé l’enseignement, car je considère que si l’éducation est bien menée, cela améliore la qualité de vie des gens. Je me suis battue pour travailler, au-delà de mes élèves, avec des personnes qui n’avaient pas la chance de réussir dans la vie, notamment au sein du Mouvement communautaire des femmes. Tous ces engagements, comme dans le projet de scolarisation des filles porté par l’État, ou avec le forum des éducatrices africaines, se faisaient dans le cadre de l’encadrement et de l’accompagnement. Je constatais que la femme n’occupait pas la place qu’elle devrait. Son potentiel humain n’est pas exploité, à savoir lui donner tout ce qu’il y avait comme ressources (humaines, matérielles…) pour qu’elle puisse jouer son rôle de citoyenne. Celle-ci doit avoir la possibilité de réfléchir par elle-même, avoir la possibilité de régler certaines questions d’ordre matériel, d’ordre économique… Quand on dépend foncièrement des autres  (Ëmb sa sanxal, ëmb sal kersa)”,. L’alphabétisation des femmes reste une nécessité majeure au Sénégal, malgré deux décennies d’innovation en matière de programmes d’alphabétisation.

  

Après avoir joué un rôle important dans la lutte pour l’indépendance, le syndicalisme enseignant accompagne les mutations en cours. En mai 1968, à l’instar d’autres parties du monde, les étudiants et élèves des différents lycées du Sénégal, bloquent les activités universitaires et déclenchent une grève illimitée pour protester contre les mesures de diminution de leurs bourses. Influencée par cette expérience de la contestation, alors que j’étais   en terminale, en 1969  j’ai  fait la grève avec mes  camarades et nous avons boycotté  le bac. Même si nous n’étions que onze en classe de terminale, nous avions dénoncé les  conditions d’études qui ne favorisent  pas la réussite des filles. C’est ainsi qu’en guise de sanction, nous avons été  affectées dans un centre de formation pédagogique, à l’issue duquel nous avons intégré  l’enseignement.

 

“ Nous avons adhéré au syndicat unique et démocratique des enseignants SUDES à sa création en 1976 ». Fondé sur des bases très politiques, le SUDES est très proche, via ses fondateurs, du marxiste PIT (Parti de l’indépendance et du travail). La création du SUDES correspondait à un désir d’autonomie syndicale et à la volonté d’échapper à la tutelle gouvernementale. Il devient la principale plateforme de discussion des revendications des enseignants. Le syndicat se divise en plusieurs entités assez indépendantes les unes des autres : enseignement primaire, secondaire, public, privé, etc… Mais ceux qui s’y engagent ont des caractéristiques constantes comme le caractère très précoce de leur engagement (dans des mouvements d’élèves, dans des associations, etc.), leur ferme croyance en une éthique syndicale et leur espoir de contribuer à une amélioration du système d’enseignement en général. “ Quand j’ai intégré ce mouvement en tant qu’élève puis en tant qu’enseignante, je me suis sentie comme une missionnaire qui travaillait à l’amélioration des conditions de travail des enseignants et des élèves. Cela veut dire travailler aussi pour son pays en formant ses futurs cadres. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés corps et âme dans le mouvement syndical et social. Nous sommes entrés dans ce siège et nous ne l’avons jamais quitté “.

Du syndicalisme,  je suis entrée  en politique.  Je me suis  encartée vers 1976 dans la Ligue Démocratique (LD) dans laquelle    mon époux, Mbaye Diack, faisait partie des membres fondateurs. A cette époque les partis d’opposition n’étaient pas réellement reconnus et agissaient dans la clandestinité PIT, PAI, AJ/PADS. “Je salue ces femmes qui se sont engagées dans la clandestinité au sein du parti, pour distribuer des journaux dans la nuit: Anna Sarr Bathily, épouse de notre leader, conduisait son véhicule et nous distribuions furtivement les journaux tels Le Militant. Quand le parti est sorti de la clandestinité, elle nous a aidé   en trouvant des financements, mais n’a pas eu   pas de poste. A son exemple, d’autres femmes ont été remarquables : Ndèye Mané de la Casamance, Ndèye Tending Niang qui fut directrice de notre troupe artistique pour sortir nos slogans. Il fallait se battre à l’extérieur mais aussi à l’intérieur du parti pour promouvoir la femme. Dans ce parti, à ses débuts, il n’y avait pas de commission féminine. De 1982 à 2001 les femmes de la LD n’ont eu aucun poste de député. Bien que j’aie été désignée présidente de la commission des femmes, je n’étais placée qu’en 8e ou 12e place sur les listes. Jamais en tête. Il fallait que le staff masculin passe d’abord. Je n’ai pu accéder qu’en 2001, quand on a défini dans les critères de la liste de la coalition Sopi (PDS, AJ/PADS, LD) qu’il fallait une femme en position éligible”.  

En marge du parti, depuis 1994,  je faisais  partie des membres fondateurs de la commission pour la parité, le Conseil Sénégalais des Femmes (COSEF). “ Le COSEF a constitué un grand rassemblement apolitique. Je m’y suis battue pour la parité auprès de beaucoup d’autres femmes qui n’étaient pas à l’Assemblée Nationale, des sociologues, des juristes et nous ne l’avons obtenu qu’en 2010. A cette époque j’étais députée. Autour de ce combat, l’opposition et la majorité ne se distinguaient pas. Les femmes étaient solidaires et c’est ce qui nous a amené à la victoire. Jusqu’à présent, il continue d’œuvrer pour le leadership, pour la formation des femmes et surtout pour que la parité soit effective. Il s’initie à l’autonomisation des femmes. Les combats internes au fonctionnement de l’Assemblée Nationale sont également importants, notamment pour que celle-ci soit plus démocratique.

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