Seynabou Dia Ndao

A propos de Seynabou Dia Ndao

Je suis diplômée  en sociologie sociale, j’ai été  directrice de la promotion féminine sous le ministère de Maimouna Ndongo Kane (1937-2019). Je fais partie des   pionnières qui ont façonné la politique sénégalaise de promotion de la condition féminine.

“ Mon père originaire de Saint-Louis et contrôleur des PTT a été affecté à Dakar. Je suis donc née à Dakar. J’étais, comme ils disaient à l’époque, citoyenne des quatre communes: Dakar, Saint-Louis, Rufisque, Gorée. Ça veut dire quoi? Que les autres ne sont pas des personnes ? A l’époque, je me posais déjà ces questions. Ma mère, qui venait de Louga, ne se laissait pas faire et assumait ses responsabilités. Elle avait de la poigne et était fière de ce qu’elle était. Elle m’a élevée à son image.

 

“ Je me rappelle que mon père venait me chercher à l’école Albert Sarrault. C’était l’école des filles de Dakar dirigée par Berthe Maubert, une métisse. C’était une femme formidable, qui m’a marquée. Elle était rigoureuse, sévère et très juste aussi. Je me souviens d’avoir été punie parce que j’ai actionné la cloche pour m’amuser. Quand elle m’a punie, je me suis demandé si je n’allais pas remettre ça ! La punition consistait à recopier un texte, puis au moment du repas on m’a servi un   hors d’œuvre,un  plat de résistance et un dessert, choses que je n’avais pas à la maison. Après, elle m’a offert des fruits, on a causé et elle m’a fait porter des tongs”. 

 

“ À la fin de la troisième au collège, les filles avaient le choix entre deux sections : celles qui après le brevet allaient faire l’école normale de Rufisque pour devenir institutrices et les autres qui voulaient continuer leurs études donc allaient au lycée Van Vollenhoven (actuellement Lamine Guèye). Celles-ci étaient en général très peu nombreuses, quatre ou cinq. Mais à la fin de la troisième, nous étions huit à nous présenter à Vanvo. Le proviseur a refusé de nous prendre toutes, car il n’avait pas l’habitude d’avoir autant de filles. Les filles avaient des difficultés pour accéder à l’éducation, même quand elles en avaient les moyens. Alors on a créé une classe de seconde moderne au lycée Delafosse pour les filles. De ce fait, toutes celles qui n’avaient pas trouvé de place ailleurs, sont venues nous rejoindre. Parmi elles figuraient de futures magistrates. 

 

“ Je me suis mariée et installée en France avec mon mari pour poursuivre nos études. Je me suis inscrite à l’université de Toulouse en sociologie. J’ai eu 7 sept enfants, j’en ai élevé douze. A mon retour, j’ai un peu travaillé avec le Pr Cheikh Anta Diop (1923-1986), parce que la licence de sociologie comportait un certificat avec l’option préhistoire africaine, un domaine novateur à Dakar. N’ayant pas d’élèves, il m’a encouragée à venir. 

Je me suis spécialisée en sociologie sociale. J’ai travaillé avec le Pr Henri Collomb (1913-1979), un français qui avait la chaire de psychiatrie de l’université et de la clinique psychiatrique de Fann. En travaillant à Fann, j’ai croisé Djibo Leyti Kâ (1948-2017) qui fut d’abord psychiatre, avant d’entrer en politique. Je m’occupais des malades mentaux.

 

“ Je faisais partie d’une petite association, le Club Soroptimist, qui regroupait les femmes qui voulaient faire quelque chose pour les autres femmes du pays qui n’en avaient pas les moyens. Parmi ces gens là il y avait des  femmes catholiques, musulmanes, etc… Sans à priori. C’était un peu bizarre pour l’époque, car les associations qui s’occupaient des femmes étaient souvent politiques. Nous étions un groupe, présidé par la première femme journaliste au Sénégal Annette Mbaye d’Erneville, dans lequel il y avait beaucoup de personnes de divers horizons, désintéressées et quelques femmes politiques… A cette époque nous avions déjà l’idée d’être apolitiques…

Jusqu’au jour où le président Abdou Diouf a appelé Maïmouna Ndongo Kane pour lui dire: “ Vous bougez beaucoup, vous les femmes. On va faire une structure de prise en charge des femmes du pays qui ne sera pas politique et qui regroupe  toutes les femmes de bonne volonté.” En 1978, il l’a   nommé  Secrétaire d’État auprès du Premier ministre, en charge de la Condition féminine et de la Promotion Humaine. “ Celle-ci a beaucoup hésité car elle était une magistrate reconnue. On a commencé à nous faire la guerre, car l’on ne comprenait pas qu’une femme apolitique soit nommée dans une structure étatique. Nous nous sommes finalement bien entendues avec Caroline Faye Diop du parti au pouvoir, qui était quelqu’un de très bien”. Caroline Faye Diop (1923-1992), entrée au gouvernement en même temps que Maimouna Kane. Elle était chargée du Ministère de l’Action Sociale. 

“ Pour travailler, il fallait s’organiser. J’ai suggéré à Maïmouna de faire une étude. Nous avons fait venir le chercheur Albert Ndiaye, qui l’a réalisé, pour voir quelles étaient les préoccupations des femmes dans le pays. On s’est débrouillées pour faire financer cela par une ONG. Cette étude nous a montré les grands points sur lesquels nous devions agir, les problèmes prioritaires, le nombre de femmes concernées. C’est ainsi qu’on a déterminé le problème numéro un : l’allègement des travaux de la femme. On a fait une tournée et constaté qu’elles passaient tout leur temps à travailler”.

“ Pour élaborer un programme qui puisse profiter aux femmes dans tout le pays, nous avons organisé une réunion internationale avec tous les bailleurs de fonds, au Ministère des Affaires étrangères. On a fait une autre étude pour identifier des niveaux de prise en charge dans les domaines prioritaires : la santé, l’éducation, les travaux d’allègement des femmes, l’accès à l’eau. C’est devenu le plan d’action national pour les femmes, financé à hauteur de plusieurs milliards”. 

“ Cela a amorcé des améliorations au bien-être de la famille. Celles dont je me souviens, car cela fait longtemps, ce sont les garderies d’enfants et l’introduction des moulins à mil. Un des aspects du changement, c’est qu’il ne suffisait pas d’apporter les moulins à mil aux gens, mais il fallait leur apprendre à les gérer, c’est-à-dire assurer la maintenance, les réparations… le mil était très fatiguant à usiner. Il fallait qu’elles apprennent aussi à le vendre. C’était d’autres activités inhérentes au changement qui a été effectué. C’était un autre aspect de notre travail. Nous avons essayé de faire de notre mieux et quand j’y repense aujourd’hui j’ai l’impression que rien n’a été fait”.

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